L'agroécologie en viticulture est une approche durable visant à préserver l'environnement tout en maintenant une production de qualité. Cet article explore les principes fondamentaux et les avantages de cette méthode pour les vignobles français.

Les principes de l'agroécologie en viticulture

L'agroécologie est une approche systémique qui vise à concevoir des systèmes agricoles durables en s'inspirant du fonctionnement des écosystèmes naturels. En viticulture, l'application des principes de l'agroécologie permet de réduire l'impact environnemental de la production de raisin tout en maintenant la qualité et la typicité des vins. Les vignerons français sont de plus en plus nombreux à adopter des pratiques agroécologiques pour préserver la biodiversité, améliorer la santé des sols et réduire l'utilisation des intrants chimiques.

Préservation de la biodiversité

La préservation de la biodiversité est un pilier fondamental de l'agroécologie en viticulture. Les vignerons mettent en place diverses pratiques pour favoriser la présence d'une faune et d'une flore diversifiées dans leurs parcelles :
  • Plantation de haies composées d'essences locales pour créer des habitats pour les auxiliaires de culture (oiseaux, insectes prédateurs...)
  • Enherbement des inter-rangs pour favoriser la vie du sol et la présence de pollinisateurs
  • Agroforesterie : association d'arbres et de vignes pour créer des microclimats favorables à la biodiversité
  • Intégration d'animaux (moutons, poules) dans les vignes pour contrôler les adventices et fertiliser naturellement les sols

Gestion des sols

La gestion durable des sols est un autre principe clé de l'agroécologie viticole. Les pratiques suivantes permettent de préserver et d'améliorer la fertilité des sols :
  • Travail du sol superficiel pour favoriser l'activité biologique et limiter l'érosion
  • Apports de matières organiques (compost, engrais verts) pour nourrir les sols
  • Utilisation de couverts végétaux pour protéger les sols et recycler les nutriments
  • Limitation du tassement des sols grâce à l'utilisation de pneumatiques basse pression ou de chenillettes

Réduction des intrants

La réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires est un enjeu majeur en viticulture. Les approches agroécologiques permettent de limiter le recours aux pesticides grâce à :
  • L'utilisation de cépages résistants aux maladies
  • La mise en place de méthodes de lutte biologique
  • Le pilotage fin de la protection phytosanitaire grâce aux outils d'aide à la décision (modèles, capteurs connectés)
  • L'application de préparations naturelles peu risquées (huiles essentielles, extraits végétaux, bicarbonate de potassium...)
Grâce à ces différents leviers, les vignerons engagés dans une démarche agroécologique parviennent à réduire significativement leurs IFT (Indice de Fréquence de Traitement). Certains atteignent même le « zéro phyto » en combinant judicieusement l'ensemble de ces pratiques.

Les bénéfices socio-environnementaux de l'agroécologie

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L'agroécologie en viticulture apporte de nombreux bénéfices socio-environnementaux, en réduisant les impacts négatifs de la production de vin sur l'environnement et en contribuant au développement durable des territoires viticoles. Les pratiques agroécologiques permettent de préserver les ressources naturelles, de s'adapter au changement climatique et de valoriser le travail des viticulteurs.

Réduction de l'impact environnemental

L'adoption de pratiques agroécologiques en viticulture permet de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de ressources. Selon une étude de l'INRAE publiée en 2020, la diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires et la gestion raisonnée de la fertilisation dans les vignobles agroécologiques peuvent réduire les émissions de CO2 de 20 à 30% par rapport à la viticulture conventionnelle. De plus, les techniques d'enherbement et de couverture des sols permettent de stocker davantage de carbone dans les sols viticoles. La préservation de la ressource en eau est également un enjeu majeur de l'agroécologie en viticulture. Les pratiques comme l'agroforesterie, l'utilisation de haies et la gestion de l'irrigation permettent de limiter l'évaporation et d'améliorer la rétention d'eau dans les sols. Dans le cadre du projet PPR VITAE, des essais menés sur des parcelles viticoles agroécologiques ont montré une réduction de 30 à 50% de la consommation d'eau d'irrigation par rapport à des parcelles en viticulture conventionnelle.

Préservation de la biodiversité et des paysages

L'agroécologie contribue à préserver et restaurer la biodiversité dans les vignobles. L'implantation de haies, de bandes enherbées et d'arbres au sein des parcelles favorise la présence d'insectes auxiliaires, d'oiseaux et de petits mammifères. Ces infrastructures agroécologiques servent d'habitats et de corridors écologiques pour la faune. Selon les diagnostics de biodiversité réalisés par l'INRAE dans le cadre du projet VITAE, les vignobles agroécologiques abritent en moyenne 30% d'espèces animales et végétales de plus que les vignobles conventionnels. La préservation des paysages viticoles est un autre bénéfice de l'agroécologie. L'intégration harmonieuse des éléments arborés et des zones de végétation naturelle dans le vignoble contribue à l'esthétique du paysage et à son attrait touristique. Cela permet de valoriser le patrimoine paysager des territoires viticoles.

Adaptation au changement climatique

Face aux défis du changement climatique, l'agroécologie offre des solutions d'adaptation pour la viticulture. Les pratiques comme l'agroforesterie et la gestion des sols vivants permettent de mieux réguler le microclimat des parcelles et de limiter les stress hydriques et thermiques sur la vigne. Lors des épisodes de canicule de plus en plus fréquents, les arbres plantés dans les vignes apportent de l'ombrage et de la fraîcheur, réduisant ainsi les dommages sur les grappes. De plus, la diversification des cépages et des porte-greffes, ainsi que l'utilisation de variétés plus résistantes aux maladies, renforcent la résilience des vignobles face aux aléas climatiques. Dans le cadre du projet PPR VITAE, des essais de nouveaux cépages et porte-greffes adaptés au changement climatique ont été menés sur 11 sites expérimentaux en France.

Valorisation du travail des viticulteurs

L'agroécologie permet de valoriser le savoir-faire et l'engagement des viticulteurs dans des pratiques respectueuses de l'environnement. La mise en place de démarches agroécologiques, comme la création de GIEE (Groupements d'Intérêt Économique et Environnemental) ou l'obtention de certifications environnementales, renforce la reconnaissance du travail des viticulteurs. Selon une enquête menée par l'IFV en 2021 auprès de 500 viticulteurs engagés dans l'agroécologie, 85% d'entre eux déclarent avoir une meilleure image de leur métier et une plus grande fierté d'exercer une viticulture durable. L'agroécologie contribue ainsi à l'attractivité du métier de viticulteur et à la transmission des exploitations aux nouvelles générations.

La transition vers l'agroécologie : défis et solutions

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La transition vers l'agroécologie en viticulture représente un défi majeur pour les viticulteurs, qui doivent adapter leurs pratiques et leur système de production tout en maintenant la qualité et la rentabilité de leur activité. Cependant, de nombreuses solutions existent pour accompagner cette transition et surmonter les obstacles rencontrés.

Les principaux défis de la transition agroécologique

Le passage à l'agroécologie implique des changements profonds dans les pratiques viticoles, qui peuvent être source de difficultés pour les viticulteurs :
  • L'abandon des produits phytosanitaires de synthèse nécessite de trouver des alternatives efficaces pour la protection du vignoble contre les maladies et ravageurs.
  • La réduction des intrants (engrais, eau) impose une gestion plus fine de la fertilisation et de l'irrigation, en s'appuyant sur les processus naturels des sols et les besoins réels de la vigne.
  • La diversification des cultures et l'introduction d'infrastructures agroécologiques (haies, bandes enherbées) peuvent entrer en concurrence avec la vigne et nécessitent une réorganisation du parcellaire.
  • Ces changements de pratiques peuvent entraîner des baisses de rendement et des surcoûts, au moins dans un premier temps, fragilisant l'équilibre économique des exploitations.

Des solutions concrètes issues de la recherche et du terrain

Face à ces défis, les acteurs de la filière viticole se mobilisent pour proposer des solutions adaptées, en s'appuyant sur les résultats de la recherche et les retours d'expérience du terrain. Le guide de l'agroécologie en viticulture publié par l'IFV et l'INAO en 2017 recense ainsi un ensemble de mesures agroenvironnementales applicables par les viticulteurs :

Gestion de la fertilisation et des sols

  • Optimisation de la fertilisation par des apports organiques (composts, engrais verts) et le fractionnement des apports d'azote
  • Travail du sol superficiel et enherbement pour améliorer la structure et l'activité biologique des sols
  • Utilisation de couverts végétaux et de mulchs pour limiter l'érosion et améliorer la rétention en eau des sols

Réduction des produits phytopharmaceutiques

  • Utilisation accrue des méthodes de lutte biologique et biotechnique : confusion sexuelle contre les vers de la grappe, typhlodromes contre les acariens...
  • Raisonnement des traitements en fonction des seuils de nuisibilité et des conditions météorologiques (systèmes d'aide à la décision)
  • Choix de produits à faible impact environnemental, comme le cuivre et le soufre, et réduction des doses

Gestion quantitative et qualitative de l'eau

  • Enherbement et paillage des rangs pour limiter l'évaporation et améliorer l'infiltration de l'eau
  • Pilotage fin de l'irrigation en fonction des besoins de la vigne (sondes d'humidité, modèles de bilan hydrique)
  • Récupération des eaux de pluie et recyclage des eaux de process au chai
Le projet de recherche VITAE (VIgnes et Territoires en Agro-Ecologie), financé par l'ANR de 2016 à 2021, a permis d'approfondir les connaissances sur ces leviers agroécologiques et de quantifier leurs impacts. Des expérimentations menées dans 5 vignobles pilotes ont notamment montré que :
  • L'introduction de couverts végétaux permet de stocker jusqu'à 0,4 tonne de carbone/ha/an dans les sols, et de réduire les émissions de GES de 10 à 20% par rapport à un sol nu
  • L'utilisation de la confusion sexuelle sur les vers de la grappe permet une réduction de 60 à 80% des traitements insecticides, sans perte d'efficacité
  • Une réduction de 30% des apports d'eau par un pilotage de l'irrigation est possible sans affecter le rendement ni la qualité des vins
Parallèlement, les diagnostics agroécologiques réalisés par l'INRAE auprès de 20 exploitations engagées dans la transition ont souligné l'importance des dynamiques collectives et de l'accompagnement technique pour le changement des pratiques. Les groupes d'échanges entre viticulteurs, la mutualisation du matériel et de la main d'œuvre, ainsi que l'appui des conseillers sont des facteurs clés de réussite. Si la transition agroécologique en viticulture reste un défi d'ampleur qui nécessite des efforts sur le long terme, ces initiatives montrent que des solutions concrètes existent pour engager les viticulteurs dans cette voie, en combinant les apports de la science, le partage d'expériences et l'accompagnement sur le terrain. La mobilisation de l'ensemble des acteurs de la filière sera essentielle pour pérenniser ces dynamiques et construire la viticulture durable de demain.

Exemples de vignobles agroécologiques en France

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En France, de nombreux vignobles ont déjà adopté des pratiques agroécologiques innovantes, démontrant ainsi la faisabilité et les bénéfices de cette transition. Parmi ces pionniers, certains domaines se démarquent par l'ampleur de leurs initiatives et les résultats positifs obtenus sur la biodiversité, la santé des sols et la qualité de leur production viticole.

Le Château Couhins, un modèle d'agroforesterie viticole

Situé en Gironde, le Château Couhins est un exemple remarquable de domaine viticole engagé dans l'agroforesterie. Depuis 2018, pas moins de 1400 arbres ont été plantés au sein des parcelles de vigne, avec pour objectif d'atteindre les 4000 arbres d'ici 2025. Cette initiative vise à favoriser la biodiversité, à protéger les sols et à réguler le microclimat du vignoble. Les essences d'arbres choisies, comme le chêne, le charme ou le cormier, ont été sélectionnées pour leurs propriétés bénéfiques et leur adaptation au terroir local. Plantés en alignements ou en îlots, ils apportent de l'ombre aux vignes, limitent l'évaporation et favorisent la présence d'auxiliaires de culture. Des diagnostics réguliers sont réalisés pour suivre l'impact de ces aménagements sur la faune, la flore et la qualité des sols.

La biodiversité au cœur des pratiques du Domaine Emile Grelier

Dans le Beaujolais, le Domaine Emile Grelier a fait de la préservation de la biodiversité une priorité. Outre l'implantation de haies diversifiées et de zones enherbées, le domaine a installé de nombreux abris pour la faune auxiliaire : nichoirs à oiseaux, hôtels à insectes, abris à chauves-souris... L'objectif est de favoriser la régulation naturelle des ravageurs de la vigne. Des inventaires réguliers de la biodiversité sont menés en partenariat avec des associations naturalistes locales. Ils ont permis de constater une nette augmentation de la diversité des espèces présentes, tant au niveau de l'avifaune que des insectes pollinisateurs. Cette richesse écologique se traduit par une meilleure résilience du vignoble face aux aléas climatiques et sanitaires.

Gestion des sols et viticulture de conservation au Château Léoube

Implanté dans le Var, le Château Léoube a adopté les principes de la viticulture de conservation pour préserver la santé de ses sols. Les pratiques mises en œuvre incluent le non-labour, l'enherbement permanent des inter-rangs et l'utilisation de couverts végétaux diversifiés. Des analyses régulières sont effectuées pour suivre l'évolution des propriétés physico-chimiques et biologiques des sols. Elles montrent une nette amélioration de la structure, une augmentation de la matière organique et une activité biologique accrue. Ces sols vivants et fonctionnels permettent une meilleure alimentation hydrique et minérale de la vigne, tout en favorisant sa résistance aux stress.

Partage d'expériences et essaimage des pratiques agroécologiques

Ces domaines pionniers s'impliquent activement dans la diffusion des pratiques agroécologiques auprès de la profession. Ils organisent régulièrement des journées techniques, des visites et des formations pour partager leur expérience et inspirer d'autres viticulteurs. Des partenariats sont noués avec des instituts techniques comme l'IFV pour expérimenter de nouvelles solutions et affiner les itinéraires agroécologiques. Grâce à ces initiatives, l'agroécologie gagne du terrain dans le vignoble français. Les résultats obtenus démontrent qu'il est possible de concilier performance économique, qualité des vins et respect de l'environnement. Ces exemples concrets sont autant de sources d'inspiration pour accélérer la transition agroécologique de la viticulture à l'échelle nationale.