Planification agricole en France

La planification agricole en France vise à assurer la souveraineté alimentaire, gérer les ressources naturelles et répondre aux enjeux climatiques. Cet article explore l'historique, les défis actuels, les mesures concrètes et les perspectives de ce processus essentiel.

Historique de la planification agricole en France

La planification agricole en France a connu une évolution significative depuis les années 1960, passant d'une approche souple à un cadre plus structuré. Cette histoire est marquée par des figures clés, des institutions dédiées et des techniques de planification adaptées aux enjeux de chaque époque.

Les débuts de la planification agricole dans les années 1960

Dans les années 1960, la France a initié une forme de planification agricole dite "souple", se distinguant ainsi des modèles plus dirigistes comme celui de l'Union Soviétique. Louis Malassis, professeur d'économie rurale, a joué un rôle majeur dans la définition de cette approche. Selon lui, la planification française devait aller au-delà de la simple prévision économique pour inclure des actions coordonnées, tout en laissant une marge de manœuvre aux acteurs du secteur. À cette époque, la planification agricole semblait relativement aisée, car le développement de l'agriculture était encore largement influencé par des variables à évolution lente, comme la démographie agricole, la taille des exploitations ou la demande alimentaire. De plus, l'État disposait de leviers importants pour orienter le secteur, notamment via les prix directeurs, la gestion des marchés, l'orientation du crédit et les subventions aux investissements.

L'évolution de la planification dans les années 1970-1980

Cependant, la planification agricole s'est révélée plus complexe que prévu. D'une part, l'intégration européenne a progressivement transféré certaines compétences à l'échelle communautaire, réduisant ainsi les marges de manœuvre nationales. D'autre part, l'autosuffisance de la CEE pour de nombreux produits a rendu les prix intérieurs plus dépendants des fluctuations des marchés mondiaux, compliquant les prévisions à moyen terme. Face à ces défis, la planification agricole française a dû s'adapter. Les procédures annuelles ont pris le pas sur les visions de moyen terme, tandis que les objectifs de la planification se sont recentrés sur des enjeux plus ciblés, comme la modernisation des structures ou le soutien aux revenus agricoles.

Le cadre actuel de la planification agricole

Aujourd'hui, la planification agricole en France s'inscrit dans un cadre renouvelé, marqué par une prise en compte accrue des enjeux environnementaux et sociétaux. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 a ainsi réaffirmé le rôle de l'État dans l'orientation du secteur, tout en mettant l'accent sur la performance économique, environnementale et sociale. Les institutions impliquées dans la planification agricole se sont également adaptées. Le Commissariat général du Plan, créé en 1946, a laissé place en 2006 au Centre d'analyse stratégique, puis en 2013 au Commissariat général à la stratégie et à la prospective, témoignant d'une évolution vers une approche plus transversale et prospective de la planification. Enfin, les techniques de planification ont intégré de nouveaux outils, comme la modélisation économique ou l'analyse multicritère, permettant une meilleure prise en compte de la complexité du secteur agricole et de ses interactions avec les autres domaines de l'économie et de la société.

Les enjeux actuels de la planification agricole

planification agricole en France
La planification agricole en France est aujourd'hui confrontée à des enjeux majeurs, dans un contexte de transition écologique et de préservation de la souveraineté alimentaire. Face aux défis du changement climatique et de la nécessité d'une agriculture plus durable, le gouvernement a mis en place des mesures ambitieuses et des financements conséquents pour accompagner cette transformation.

Souveraineté alimentaire et transition agroécologique

L'un des enjeux centraux de la planification agricole actuelle est de concilier la préservation de la souveraineté alimentaire avec la transition vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Cela passe notamment par le soutien aux filières locales et aux pratiques agroécologiques, comme l'agriculture biologique. Le gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux d'atteindre 21% de surfaces agricoles en bio d'ici 2030, contre seulement 10% aujourd'hui. Pour y parvenir, des mesures concrètes sont mises en place, comme le plan protéines, doté de 100 millions d'euros, qui vise à développer les cultures riches en protéines et les filières de valorisation. De même, 110 millions d'euros sont alloués à la gestion durable et à la plantation de haies, essentielles pour la biodiversité et le stockage du carbone.

Adaptation au changement climatique et décarbonation

L'agriculture est particulièrement vulnérable aux impacts du changement climatique, mais elle est aussi un levier majeur pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre. La planification écologique prévoit ainsi 80 millions d'euros pour soutenir l'investissement dans des matériels agricoles décarbonés ou moins émissifs, comme les engins électriques ou les serres économes en énergie. En parallèle, des actions sont menées pour améliorer le stockage de carbone dans les sols, via des pratiques comme les cultures intermédiaires ou la réduction du travail du sol. L'objectif est de faire de l'agriculture un puits de carbone, tout en améliorant la résilience des exploitations face aux aléas climatiques.

Un budget conséquent pour la planification écologique

Pour mener à bien cette transition, le volet agricole de la planification écologique bénéficie d'une enveloppe globale de près de 800 millions d'euros pour l'année 2024. Ce budget conséquent témoigne de l'ambition du gouvernement et de la priorité accordée à l'agriculture dans la transition écologique. Parmi les autres mesures phares, on peut citer les 250 millions d'euros dédiés à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, dont 146 millions pour le plan Ecophyto, ou encore les 220 millions d'euros en faveur de la souveraineté alimentaire, avec notamment un soutien aux projets alimentaires territoriaux. La planification agricole française est donc à un tournant, avec des enjeux cruciaux pour l'avenir de notre modèle agricole et alimentaire. Les mesures et les financements mis en place témoignent d'une volonté forte d'accompagner cette transition, même si de nombreux défis restent à relever pour atteindre les objectifs fixés à l'horizon 2030.

Les mesures concrètes et les financements disponibles

La planification écologique promue par le gouvernement français se concrétise à travers une série de mesures et de financements dédiés au secteur agricole. En 2024, le ministère de l'Agriculture bénéficiera d'une enveloppe globale de 1,3 milliard d'euros pour la planification écologique, dont 802 millions d'euros spécifiquement alloués au volet agricole.

Sept mesures concrètes pour soutenir la transition agroécologique

Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, a présenté sept mesures qui seront déployées en 2024 pour accompagner la transition agroécologique de l'agriculture française :
  1. 110 millions d'euros pour le pacte en faveur de la haie, afin de soutenir la gestion durable et la plantation de haies
  2. 100 millions d'euros pour le plan protéines, visant à favoriser le développement des cultures riches en protéines et les filières les valorisant
  3. 10 millions d'euros pour soutenir l'agriculture biologique via une aide au maintien et le fonds Avenir Bio
  4. 32 millions d'euros pour le déploiement des diagnostics prévus dans le plan Installation-Transmission pour renouveler les générations
  5. 250 millions d'euros pour le fonds phyto qui viendra en appui à la stratégie de réduction des produits phytosanitaires, dont 146 millions d'euros réservés au plan Ecophyto
  6. 80 millions d'euros pour soutenir des investissements dans des matériels décarbonés ou moins émissifs, comme des engins agricoles et forestiers, des serres ou des dispositifs de stockage et d'épandage des effluents d'élevage
  7. 220 millions d'euros en faveur de la souveraineté alimentaire, dont 20 millions d'euros pour soutenir le déploiement des projets alimentaires territoriaux et 200 millions d'euros pour structurer les filières à l'échelle de leur territoire

Réduire les produits phytosanitaires et stocker le carbone dans les sols

Au-delà de ces mesures, la planification écologique vise également à réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Sur ce point, le gouvernement a précisé qu'il n'y aurait pas de "surtransposition", c'est-à-dire pas de mesures nationales plus contraignantes que les directives européennes. L'amélioration du stockage de carbone dans les sols est un autre axe important. Les agriculteurs sont incités à adopter des pratiques agroécologiques telles qu'un changement profond des pratiques de fertilisation azotée, le développement des cultures intermédiaires et la réduction du retournement des sols.

Une transition à accompagner sur le long terme

Si ces mesures et financements constituent un premier pas vers une agriculture plus durable, la transition agroécologique nécessitera un accompagnement sur le long terme. Les agriculteurs devront être soutenus techniquement et financièrement pour adapter leurs pratiques et leurs systèmes de production aux enjeux environnementaux et climatiques, tout en préservant la souveraineté alimentaire du pays.

Les perspectives et les défis futurs

La planification agricole en France fait face à de nombreux défis et perspectives pour les années à venir. L'ambition affichée par le gouvernement est de réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, tout en assurant une transition vers des pratiques plus durables et respectueuses de l'environnement.

Des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Dans le cadre de sa stratégie nationale bas carbone (SNBC), la France s'est fixé pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030 par rapport à 1990. Pour le secteur agricole, cela se traduit par des cibles spécifiques :
  • Réduire de 30% l'utilisation des engrais azotés entre 2019 et 2030, ce qui représenterait une économie de 4 millions de tonnes équivalent CO2
  • Diminuer de 13% les émissions annuelles de méthane liées à l'élevage sur la même période, soit une baisse de 5 millions de tonnes équivalent CO2
Atteindre ces objectifs nécessitera des changements importants dans les pratiques agricoles, avec notamment le développement de l'agriculture biologique (21% de la surface agricole utile en 2030) et des cultures de légumineuses (2 millions d'hectares en 2030, soit un doublement par rapport à 2019).

Évolution des habitudes alimentaires et coordination avec la PAC

Au-delà des pratiques agricoles, l'évolution des habitudes alimentaires des Français sera également un levier important pour réduire l'empreinte carbone de notre alimentation. Les recommandations nutritionnelles préconisent ainsi de consommer plus de produits végétaux et moins de viande, ce qui permettrait de diminuer la pression sur les élevages tout en améliorant la santé des consommateurs. Un autre défi majeur sera de coordonner les objectifs nationaux avec la politique agricole commune (PAC) au niveau européen. Les aides de la PAC devront être réorientées pour soutenir la transition agroécologique et accompagner les agriculteurs dans l'adoption de pratiques plus vertueuses.

Attentes des agriculteurs et des consommateurs

La réussite de cette planification écologique de l'agriculture française dépendra en grande partie de l'adhésion des agriculteurs et de leur capacité à faire évoluer leurs systèmes de production. Cela nécessitera un accompagnement technique et financier important, ainsi qu'une valorisation des efforts réalisés à travers une meilleure rémunération des produits issus de l'agroécologie. Les attentes des consommateurs en matière de qualité, de traçabilité et de durabilité des produits alimentaires seront également à prendre en compte. Le développement des circuits courts, de l'agriculture urbaine et des labels de qualité pourrait répondre en partie à ces attentes, tout en créant de la valeur ajoutée pour les agriculteurs.
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