Les terrains hydromorphes sont des sols gorgés d'eau de manière temporaire ou permanente, ce qui influe sur leur couleur, leur texture et leurs propriétés. Cet article explore les caractéristiques de ces terrains, les risques associés et les précautions à prendre lors de constructions.
📊 Bon à savoirPour cartographier précisément les sols hydromorphes, la densité recommandée est d'un sondage pour 4 à 5 hectares.

Définition et caractéristiques des terrains hydromorphes

Les terrains hydromorphes sont des sols particuliers qui présentent des caractéristiques spécifiques liées à un engorgement temporaire ou permanent par l'eau. Ces sols se développent dans des conditions où l'eau stagne ou circule lentement, entraînant des processus d'oxydo-réduction qui modifient leurs propriétés physiques et chimiques. La compréhension de ces caractéristiques est essentielle pour adapter les pratiques agricoles et les projets de construction à ces milieux sensibles.

Définition d'un terrain hydromorphe

Un terrain hydromorphe est un sol qui subit une saturation en eau temporaire ou permanente, entraînant des conditions d'anaérobiose (absence d'oxygène). Cette saturation peut être due à la présence d'une nappe phréatique peu profonde, à une faible perméabilité du sol ou à des apports d'eau importants (précipitations, inondations). L'engorgement par l'eau modifie les processus physico-chimiques dans le sol, notamment les réactions d'oxydo-réduction du fer et du manganèse.

Caractéristiques morphologiques des sols hydromorphes

Les sols hydromorphes présentent des traits morphologiques distinctifs liés aux processus d'oxydo-réduction :
  • Taches d'oxydo-réduction : présence de taches rouille (fer oxydé) et de taches grises ou blanchâtres (fer réduit) dans le profil du sol, témoignant de l'alternance de conditions oxydantes et réductrices.
  • Couleurs spécifiques : les horizons profonds peuvent présenter des teintes gris bleuâtre ou gris verdâtre, indiquant des conditions réductrices prolongées.
  • Concrétions ferro-manganiques : formation de nodules ou de concrétions riches en fer et en manganèse, résultant de la précipitation de ces éléments lors des phases d'oxydation.

Types de sols hydromorphes

Le Référentiel Pédologique distingue deux grands types de sols hydromorphes :
  • Les réductisols : sols subissant un engorgement permanent ou quasi-permanent, avec des horizons profonds de couleur gris bleuâtre ou gris verdâtre, témoignant de conditions réductrices prolongées.
  • Les rédoxisols : sols soumis à un engorgement temporaire, présentant des taches d'oxydo-réduction marquées dans le profil, liées à l'alternance de conditions oxydantes et réductrices.

Classes d'hydromorphie

L'intensité et la profondeur d'apparition des traits d'hydromorphie permettent de définir des classes d'hydromorphie, allant de la classe I (absence de manifestations d'hydromorphie avant 120 cm) à la classe VI (manifestations d'hydromorphie dès la surface du sol avec un horizon réduit débutant avant 80 cm). Ces classes reflètent la gravité de l'engorgement et sont utilisées pour caractériser les sols lors des études pédologiques. Par exemple, un sol de classe IV présente des manifestations d'hydromorphie apparaissant entre 25 et 50 cm de profondeur, tandis qu'un sol de classe II ne montre ces traits qu'entre 80 et 120 cm.

Conséquences et risques liés aux terrains hydromorphes

Les terrains hydromorphes présentent des caractéristiques particulières liées à la présence prolongée d'eau dans le sol. Ces conditions ont des conséquences significatives sur l'agriculture et la construction, et peuvent engendrer des risques environnementaux importants. Dans ce chapitre, nous allons examiner en détail les impacts des terrains hydromorphes et les précautions à prendre pour minimiser les risques associés.

Impacts sur l'agriculture

L'hydromorphie des sols modifie leurs propriétés physiques et ralentit leur réchauffement au printemps, ce qui peut retarder les semis et affecter les rendements. Les cultures sensibles à l'excès d'eau, comme le maïs, peuvent souffrir d'asphyxie racinaire et voir leur croissance fortement perturbée. Pour faire face à ces contraintes, les agriculteurs peuvent avoir recours au drainage, mais cette pratique n'est pas sans conséquences environnementales. Le drainage des sols hydromorphes peut entraîner une augmentation du ruissellement et des risques de pollution des eaux par les nitrates et les herbicides. Sur un bassin versant de 10 hectares avec 200 mm de pluies efficaces, le volume d'eau de drainage peut atteindre 20 000 m3 par an. Si cette eau n'est pas épurée par les processus naturels dans les zones humides, elle peut rapidement rejoindre les cours d'eau, chargée en polluants.

Risques pour la construction

La présence d'argile dans les sols hydromorphes les rend particulièrement sensibles aux variations d'humidité. En période de sécheresse, ces sols peuvent subir un retrait important, entraînant des tassements différentiels et des dommages aux fondations des bâtiments. À l'inverse, en période de forte humidité, le gonflement de l'argile peut exercer des pressions importantes sur les structures. Pour prévenir ces risques, il est essentiel de réaliser une étude géotechnique approfondie avant toute construction sur un terrain hydromorphe. Les fondations doivent être dimensionnées en conséquence, en tenant compte des variations potentielles du volume du sol. Dans les régions à risque sismique, la prise en compte de ce risque dans la construction permet également de se prémunir en partie contre le risque de sécheresse.

Risques environnementaux

Outre les risques de pollution des eaux évoqués précédemment, les sols hydromorphes peuvent également être à l'origine d'autres problèmes environnementaux. Lorsqu'ils sont drainés et mis en culture, ces sols perdent leur capacité à jouer un rôle épurateur naturel. L'oxydation du sol consécutive au drainage peut entraîner une mise en solution des métaux lourds qui étaient auparavant stockés dans les sols hydromorphes. De plus, l'utilisation intensive d'engrais azotés et d'effluents d'élevage sur ces sols peut conduire à une pollution importante par les nitrates et l'ammoniac. Un hectare de sol hydromorphe de bas-fond peut recevoir les apports d'un bassin versant d'alimentation d'au moins 10 hectares, multipliant ainsi les risques de pollution si les bonnes pratiques ne sont pas respectées.

Précautions et bonnes pratiques

Pour limiter les risques liés aux terrains hydromorphes, plusieurs précautions peuvent être prises :
  • Réaliser une étude pédologique et géotechnique approfondie avant tout projet de construction ou d'aménagement
  • Adapter les pratiques culturales en privilégiant les cultures moins sensibles à l'excès d'eau et en raisonnant les apports d'intrants
  • Maintenir ou restaurer les zones humides et les prairies permanentes qui jouent un rôle tampon et épurateur essentiel
  • Mettre en place des bandes enherbées le long des cours d'eau pour limiter les transferts de polluants
  • Surveiller régulièrement la qualité des eaux souterraines et superficielles à proximité des zones hydromorphes exploitées
En adoptant ces bonnes pratiques, il est possible de valoriser les terrains hydromorphes tout en minimisant les risques pour l'environnement et les constructions. Une gestion raisonnée de ces milieux est essentielle pour préserver la qualité de l'eau et la biodiversité des zones humides associées.

Techniques d'identification et de cartographie des sols hydromorphes

L'identification et la cartographie des sols hydromorphes sont des étapes cruciales pour comprendre leur répartition spatiale, leurs caractéristiques et leur fonctionnement. Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre, chacune ayant ses avantages et ses limites en termes de précision, de coûts et de couverture géographique.

La cartographie pédologique

La méthode la plus précise et la plus fiable pour identifier les sols hydromorphes reste la cartographie pédologique classique. Elle consiste à réaliser des sondages à la tarière et des fosses pédologiques sur le terrain, afin de décrire les profils de sols et de relever les traits d'hydromorphie (taches d'oxydo-réduction, horizons réductiques, etc.). En Bretagne, une densité d'environ un sondage pour 4 à 5 hectares est nécessaire pour obtenir une cartographie au 1/25 000e. Lors des relevés, l'intensité de l'hydromorphie est évaluée selon une échelle de 9 classes, allant de l'absence de traits d'hydromorphie (classe 1) à la présence d'horizons réductiques dès la surface (classe 9). Le seuil significatif semble se situer entre les classes 3 et 4, correspondant à l'apparition de taches d'oxydo-réduction entre 40 et 80 cm de profondeur. Si la cartographie pédologique offre une grande précision, elle présente l'inconvénient d'être coûteuse et chronophage, en raison du nombre important de sondages à réaliser. Elle s'avère cependant indispensable pour certains objectifs spécifiques comme les études d'impact ou les périmètres de protection.

L'utilisation des modèles numériques de terrain

Une alternative moins onéreuse consiste à exploiter les modèles numériques de terrain (MNT) pour identifier les zones potentiellement hydromorphes. Les MNT, obtenus par stéréo-restitution d'images satellitaires ou aériennes, fournissent une représentation 3D de la topographie avec une résolution pouvant atteindre 20 à 25 mètres. Le traitement des MNT permet de calculer des indices topographiques comme l'indice topographique de Beven-Kirkby (IBK), qui combine la pente locale et l'aire drainée en amont. Les zones à fort IBK correspondent généralement aux bas-fonds et aux dépressions, où la probabilité de rencontrer des sols hydromorphes est élevée. Cette approche permet de couvrir rapidement de vastes superficies, pour un coût 4 fois moindre qu'une cartographie pédologique au 1/25 000e.

Les techniques de télédétection

Enfin, certaines techniques de télédétection peuvent fournir des informations sur l'humidité des sols et la présence de zones hydromorphes :
  • L'imagerie satellitaire optique, notamment dans le moyen infrarouge (bandes SWIR de SPOT 4 et 5), est sensible à la teneur en eau des sols. Cependant, elle ne permet de détecter que les sols gorgés d'eau au moment de la prise de vue.
  • Le radar à synthèse d'ouverture (RSO), embarqué sur des satellites comme ERS, est capable de pénétrer le couvert végétal et de fournir une information sur l'humidité du sol. Des recherches sont en cours pour évaluer son potentiel dans la cartographie des zones humides.
  • L'étude de la végétation hygrophile par photo-interprétation ou classification d'images peut aussi contribuer à délimiter les zones hydromorphes, à condition que le couvert végétal soit encore naturel et n'ait pas été profondément modifié par le drainage ou la mise en culture.
Le choix de la méthode dépendra des objectifs poursuivis, des moyens disponibles et des données accessibles. Dans de nombreux cas, une approche combinant différentes techniques (MNT, télédétection, sondages ciblés) peut offrir un bon compromis entre précision et couverture géographique.

Précautions et solutions pour la construction sur terrains hydromorphes

Construire sur un terrain hydromorphe nécessite de prendre certaines précautions pour éviter les problèmes liés à l'excès d'eau dans le sol. L'humidité excessive peut causer des dommages structurels à la construction, comme des fissures, des affaissements ou des remontées capillaires. Il est donc crucial d'adopter les techniques adéquates pour protéger le bâtiment de ces risques.

Cuvelage : une solution efficace mais coûteuse

Le cuvelage consiste à réaliser une étanchéité complète de la partie enterrée de la construction, afin d'empêcher toute infiltration d'eau. Cette technique est particulièrement adaptée si l'on souhaite aménager un sous-sol habitable. Cependant, elle demande une mise en œuvre rigoureuse et des matériaux de qualité, ce qui peut représenter un coût élevé. Pour un cuvelage efficace, il est recommandé de :
  • Utiliser du béton armé étanche, avec des adjuvants hydrofuges
  • Soigner les joints et les reprises de bétonnage
  • Appliquer un enduit d'étanchéité sur les parois extérieures
  • Prévoir un dispositif de drainage périphérique pour évacuer les eaux

Avantages et inconvénients du cuvelage

Avantages Inconvénients
Protection totale contre l'humidité Coût élevé des matériaux et de la main d'œuvre
Possibilité d'aménager un sous-sol Mise en œuvre complexe et exigeante
Valorisation du bien immobilier Risques en cas de malfaçons

Drainage : une alternative plus abordable

Le drainage consiste à collecter et évacuer les eaux en excès, grâce à un réseau de drains enterrés autour de la construction. Cette solution est généralement moins onéreuse que le cuvelage, mais nécessite de disposer d'un exutoire pour rejeter les eaux drainées (puits perdu, fossé, réseau pluvial). Pour un drainage performant, il faut respecter quelques règles :
  • Dimensionner correctement les drains (diamètre, pente, espacement)
  • Utiliser des matériaux adaptés (tubes perforés, géotextile, gravier calibré)
  • Prévoir des regards de visite pour l'entretien
  • Éloigner les plantations des drains pour éviter l'obstruction par les racines
"Lorsque ce choix [cuvelage ou drainage] est fait, tout doit être mis en œuvre pour maintenir ce choix technique. A éviter par exemple : plantation d'arbres à proximité de la construction si on a choisi le cuvelage car les arbres consomment beaucoup d'eau en été et accentuent gravement les phénomènes de sécheresse. Les arbustes et arbres sont également à proscrire à proximité d'un drainage car les racines bouchent les drains." Alix, sur le forum Futura-Sciences

Conseils pratiques pour éviter les problèmes futurs

Au-delà des techniques de cuvelage et de drainage, d'autres précautions permettent de limiter les risques liés à l'hydromorphie :
  • Rehausser le niveau du plancher bas par rapport au terrain naturel
  • Réaliser une coupure de capillarité sous les murs (feutre, bitume)
  • Proscrire les revêtements de sol sensibles à l'humidité (parquet, moquette)
  • Assurer une ventilation efficace du vide sanitaire ou du sous-sol
  • Entretenir régulièrement les dispositifs de drainage
En respectant ces différentes recommandations, il est tout à fait possible de construire sur un terrain hydromorphe en limitant les risques. Le choix entre cuvelage et drainage dépendra du budget disponible, de la nature du projet et des contraintes du site. Dans tous les cas, il est essentiel de confier les travaux à des professionnels expérimentés, afin de garantir une mise en œuvre de qualité.

L'essentiel à retenir sur les terrains hydromorphes

Bien que les terrains hydromorphes présentent des défis pour la construction et l'agriculture, des solutions techniques existent pour les aménager et les valoriser. À l'avenir, une meilleure compréhension de leur fonctionnement permettra de limiter les impacts environnementaux tout en tirant parti de leurs spécificités. Une gestion durable et raisonnée de ces milieux fragiles est cruciale.

Questions en rapport avec le sujet

Quels sont les sols hydromorphe ?

Un sol hydromorphe est composé dans son horizon d'une couche moins perméable qui limite l'écoulement vertical de l'eau. L'accumulation des argiles lessivées depuis la surface du sol forme une barrière moins perméable.

Quelles sont les causes de l'hydromorphie ?

En alluvions anciennes et miocène, l'hydromorphie est liée surtout au lessivage de l'argile mais aussi à la pente pour le miocène. Le travail du sol en profondeur, en situation sèche, peut décompacter le sol, favoriser la formation de sables grossiers à partir des galets granitiques altérés.

Quels sont les différents types de sol ?

  • Sol sableux
  • Sol limoneux
  • Sol argileux
  • Sol humifère